Roadbook illustré sur un tour du monde austral
Salut salut,
Alors voilà, Copacabana est la dernière étape de la Bolivie. Chouette étape pour dire au revoir à ce pays qui m’a quasiment autant marqué que les Philippines ou l’Argentine.
Avant Copacabana, j’ai fait une petite pause à La Paz, histoire de me laver, de me reposer et de refaire correctement mon sac parce que c’était un peu le bronx. Deux jours dans cette capitale à ne sortir que rarement, pas envie, trop de monde, un choc pour mon cerveau après ces 10 jours tranquilles à Rurre. Donc, pas de photos, et pas d’évènements particuliers qui méritent des lignes dans cet article. Juste un truc : je crois que j’ai croisé le vrai Forrest Gump ici. La cinquantaine, barbu jusqu’à la poitrine, casquette sur la tête, visage buriné par le soleil et un pas assuré et rapide. Comme si il n’allait jamais s’arrêter. Bon vent à lui !
Après ça, direction Copacabana et le lac Titicaca, le lac le plus haut d’Amérique du Sud (peut-être même du monde, je sais pas). Il culmine à 4000 m et constitue la frontière (une partie du moins) entre le Pérou, ma prochaine destination, et la Bolivie que je vais laisser derrière moi. Bon, le village est vraiment très touristique et ça alpague dans tous les sens, dans toutes les rues. Dans 10 ans ici, ça va ressembler à Kao San Road à Bangkok, en plus petit !!! Mais c’est plutôt bonne ambiance et l’environnement est magnifique. Alors, je vais me faire plaisir à marcher loin de la cohue urbaine et grimper sur les quelques sommets environnants histoire d’avoir une vue sur les alentours et notamment sur les îles du lac, et sur le magnifique coucher de soleil. Ce coucher de soleil est un trésor à chaque étape de mon parcours, mais là, avec le lac en contrebas, c’est magnifique. Et attention, tout ça est mérité. Faut pas oublier qu’on est à 4000 m et que la moindre ascension, même de 100 m, te coupe le souffle. Y a pas d’oxygène à cette altitude. Alors, je fonce au marché, m’acheter mon petit pochon de feuilles de coca, y a que ça de vrai dans ces contrées !!! Quelques rencontres au passage, notamment de Ian et Richard, anglais et australien, qui bossent dans les banques aux îles Caïman !!! Ils ont décidé de faire toute l’Amérique du Sud en 6 semaines !!! De l’Equateur jusqu’à Ushuaïa. Ce genre de planning n’est définitivement plus pour moi : 6 semaines, c’est le temps qu’il m’a fallu pour visiter peut-être un quart de la Bolivie !!! C’est dorénavant la seule façon de voyager qui vaille le coup pour moi !
Allez, j’embarque pour la Isla del Sol, loin de ces rues commerciales. Le nez au vent, sur le toit du bateau, y a un soleil de plomb et la vue est fantastique. C’est décidément vraiment le bon endroit pour dire au revoir à ce pays magnifique. Le lac est tellement bleu qu’on se croirait sur une mer plate. Je pose mes pieds sur l’île et trouve mon petit hôtel en surplomb qui domine tout le lac et d’où je peux apercevoir les montagnes enneigées au loin. Encore un petit paradis sur terre. Je vais rester un peu ici, c’est sûr ! Pas mal de rencontres encore ici, mais des rencontres plus posées avec des gens qui recherchent le calme, un peu comme moi. Du coup, les discussions sont plus enrichissantes, plus détaillées devant un coucher de soleil encore ! Je pense à Marisa, cette journaliste allemande, à Lindsay, cette petite Texane qui doit me maudire parce que je lui dis que le Sud Lipez est incontournable et qui va changer tout son itinéraire pour ça ! Et puis, je pense à Gérard et Véronique, deux chercheurs français, avec qui je vais discuter quelques temps des conditions de vie des indiens (andins, je veux dire !) depuis la colonisation inca et espagnole jusqu’à aujourd’hui. C’est le genre de discussion qui peut durer des heures. La différence d’approche des incas et des espagnols. Les incas sont plus dans la recherche de mains d’œuvre et de viande pour les sacrifices, c’est un peu dur à dire, mais ça semble être la réalité ! Et les espagnols qui sont plus là pour les ressources du sol sud américain. Ces espagnols et plus généralement l’église catholique qui finissent par ouvrir le débat pour savoir si les indiens sont finalement des êtres humains !!! Y a un très bon film à ce sujet (un peu vieux, mais à passer dans toutes les classes d’école, je pense !!!), c’est la Controverse de Valladolid. A voir, absolument !!! Toutes ces discussions pour en arriver à la conclusion que ces peuples qui n’ont rien demandé à personne, qui vivaient tranquillement en toute symbiose avec la nature et ses fruits, ce sont vus opprimés, convertis, décimés pendant de longues décennies. C’est notre histoire aussi et on n’en parle pas beaucoup à l’école !!! J’ai tellement de choses à écrire à ce sujet. Ca me donne envie de vomir !!! Mais ces peuples sont dignes et ont trouvé la force du pardon ! Bravo ! Allez, je vais me manger une petite truite du lac, ça va me faire du bien !
Le lendemain, je vais profiter du trek qui traverse l’île du Sud au Nord via un chemin de crête. Normalement, y a 8 km à faire en 2 h 30. Moi, je vais mettre 6 heures pour le parcourir. A m’asseoir à chaque point de vue, à profiter de ces derniers instants boliviens. A m’endormir sur les cailloux, au milieu des moutons qui paissent en toute liberté ici et là. Sensation de sérénité face à tout ce qui m’entoure ! Je ne me lasse pas de cette vue. Enfin, je laisse simplement les photos et j’espère vous emmenez un peu avec moi ! Vous y êtes ? Et puis, rester des heures face à ce décor, c’est une façon pour moi d’imprimer au plus profond de mon cerveau ces panoramas et l’ambiance qui va avec.
Le temps court en ce moment pour moi, comme un sentiment que la Bolivie était le dernier pays que je découvre en profondeur avant de rentrer en France. Il me reste bien 1 mois et demi, mais j’ai l’impression d’avoir trouvé ce que je cherchais dorénavant, au cours de ce voyage. Ca fait plus d’un an que je suis sur cette route magnifique, mais mon cerveau est plein et je vais avoir besoin de temps pour digérer tout ça. Alors, je vais doucement ouvrir les yeux sur les prochaines étapes, mais je ne pense plus « découvrir » un pays dorénavant, je veux dire par là que je ne vais plus approfondir comme j’ai pu le faire en Thaïlande, aux Philippines, en Argentine ou en Bolivie, mais juste aller visiter les quelques places qui ont de l’intérêt à mes yeux ou des places qui seront sur le chemin de mon retour. Et puis finir ce voyage sûrement en Argentine, annuler le Chili, pour revoir la Péninsule Valdès et la Patagonie, une sorte d’atterrissage en douceur avant de reprendre l’avion. Et je suis heureux avec ça ! Oups, petite évasion en direct !!!
Donc, je finis ce trek et j’arrive au village de pêcheurs-agriculteurs de Challa’Pampa. Et là, c’est la tranquillité incarnée. Sauf que tous les hôtels sont fermés !!! Bah ouais, c’est l’heure de la sieste, il fait chaud : j’arrive un peu tôt. Pas grave, je vais patienter les yeux plongés dans la neige des montagnes. Je trouve finalement une petite famille d’accueil qui m’offre un lit pour une misère. Dernière nuit en Bolivie sur un sommier, un lit quasiment sans matelas, mais ça fera l’affaire. Je suis mort, ma tête est complètement cramée par les UV de ces altitudes et les lèvres en chantier !!!
Retour à Copacabana par le premier bateau, avec les jeunes écoliers qui font la traversée tous les jours pour suivre les cours sur la terre ferme. Ensuite, je prends directement le bus, direction le Pérou et Cusco. Un voyage de 15 h dans un bus sans amortisseur et sans toilettes. J’ai le ventre en vrac : j’ai l’impression que je n’ai pas évacué toute l’eau du Rio Béni de Rurrenabaque. Chaque halte est une course contre la montre pour moi, à la recherche d’un chiotte. Mais ça me fait rire, tout va bien, ça me fait penser à la scène de Transpotting quand Mark Renton est dans le pub irlandais !!! Le passage de la frontière se fait en 10 minutes ! Les péruviens, au premier abord, sont souriants aussi mais beaucoup moins tactile que les boliviens. Du coup, quand je déconne un peu avec le chauffeur du bus, par réflexe, je lui mets la main sur l’épaule et là, il recule de 3 m !!! OK, je suis fixé !
Là, je suis à Cusco dans un hôtel qui domine la ville et qui offre une superbe vue sur les montagnes environnantes dans lesquelles se cache le Macchu Picchu. J’ai retrouvé Christina et Ritchy, mes amis autrichiens (et non allemands, comme j’avais dit dans l’article précédent ! Shame on me !).
Que dire de la Bolivie ? Bah c’est juste un pays simple, magnifique, souriant, dans lequel chacun peut trouver son bonheur ! C’est un pays qui se visite sans organisation, à l’arrache pour rencontrer les gens qui vivent eux-mêmes comme ça. Tout ce séjour est marqué au fer rouge dans ma tête. C’est un incontournable, c’est clair ! Et pour couronner le tout, c’est franchement pas cher, du niveau de l’Inde. Je crois que ce que je retiens de ce pays, c’est l’expression « No te preoccupas !!! », qui signifie littéralement, « Ne te fais pas de soucis ». Mais ça se traduit dans les faits par 3 heures de retard, ou une annulation du trip, bref, des déconvenues qui t’énervent dans un premier temps et auxquelles tu finis par t’habituer, voire par apprécier parce que ça te laisse simplement le temps de parler et rigoler avec les locaux qui sont dans la même situation que toi. Et puis, ce que je retiens aussi d’ici, c’est leur façon de ne pas vouloir produire plus que nécessaire. Ca me fait penser à cette anecdote issue du livre « Paroles de terre ». Ca se passe en Afrique, à l’époque où l’engrais commençait à être diffusé à grande échelle pour produire plus. Et le fils vient voir son père avec son sac d’engrais de 25 kg sur l’épaule, le sourire aux lèvres en s’exclamant devant son père : « Regarde papa, avec ça, je vais pouvoir produire deux fois plus !!! ». Et le père lui répond : « Si j’étais à ta place, je travaillerais juste deux fois moins !!! ». C’est cette scène que j’ai en tête quand je pense à la Bolivie. Tous ces moments où tu rentres dans un magasin, mais y a personne : c’est pas l’heure, faudra revenir plus tard. Bon, OK ! Ou ce moment à Coroico où j’avais fini de manger et j’étais seul dans le resto. Je voulais payer, mais y avait personne pour encaisser. Je suis resté là, au moins 20 minutes, à frapper à toutes les portes voisines pour savoir où était passé le responsable. Il a fini par arriver et j’ai fini par payer, mais c’est le genre de situation absolument impensable en Europe, non ? Tous ces comportements si naturels ici, si paisibles, sans stress !!! Ca fait plaisir finalement. J’ai peur de prendre une grosse accélération dans ma tête en rentrant!!!
Je vous embrasse.